Le procès est renvoyé au mercredi 24 mars. Mohssin Karmoud, 32 ans, Nassir Karmoud, 27 ans, et Salim Karmoud, 30 ans, seront jugés dans un mois, pour le coup de feu tiré sur le mollet de Mohammed Aissaoui, éducateur social du quartier de Chevreux, lundi 3 juin peu avant 20h. Présumés innocents, les trois frères sont poursuivis pour violence aggravée. Mohssin et Nassir sont également soupçonnés de tentative d’assassinat. Vendredi 19 février, seul Nassir Karmoud était présent, mais tous trois étaient représentés par leur avocat. Il a été décidé du renvoi pour faire respecter les droits de la défense, prévenue tardivement de la date du procès. Actuellement incarcéré, Mohssin Karmoud a semble-t-il refusé de participer à l’audience en visio-conférence. Ses deux frères sont sous contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact et de se rendre à Soissons, et surtout au quartier de Chevreux.
«Je ne sais pas quand je remarcherai ni comment d’ailleurs»
Mohammed Aissaoui, 30 ans, éducateur à l’association de réinsertion Réaliss, avait subi une blessure lui valant 120 jours d’incapcité totale de travail. «Je ne sais pas quand je remarcherai ni comment d’ailleurs, mais mon mollet a été déchiré en plusieurs endroits», avait-il dit peu de temps après les faits, entre deux séances de soins à l’hôpital. Aujourd’hui, il n’est plus éducateur. Il a ouvert une enseigne de restauration rapide en centre-ville.
Lundi 3 juin, peu après 20h, sur la dalle du quartier de Chevreux, il avait dit être tombé sur trois des frères Karmoud, qui lui reprochaient d’être intervenus en faveur d’un adolescent de 15 ans, avec qui ils avaient eu une altercation. «Dès qu’ils m’ont vu, ils se sont approchés de moi, raconte l’éducateur. L’un a sorti une arme à feu. Je leur ai dit que je n’avais pas peur. J’ai avancé vers eux, à petits pas. Et puis il a tiré. J’ai fait quinze mètres en direction de chez ma sœur et je me suis écroulé.»
Nés d’une famille de cinq enfants, les trois frères Karmoud se défendent d’avoir tendu un guet-apens à la victime. Il ressort de l’enquête que les agresseurs de l’animateur étaient cagoulés. «Il y aura des discussions» émet l’un des avocats, sans savoir quelle sera la position des trois prévenus d’ici un mois. «On a des éléments sérieux à leur encontre» rappelle le procureur Julien Morino-Ros.
Sous le coup d’un mandat d’arrêt puis d’un mandat de recherche, ils ont été interpellés de manière décalée. Salim a été arrêté le 14 juin, Mohssin le 22 août 2019, Nassir le 17 septembre 2019. Salim est en liberté surveillée depuis le 11 juin 2020 et Nassir depuis le 8 juin 2020.
«Il y a des risques de pression sur la victime et ses proches.»
Le procureur Julien Morino-Ros requiert le maintien en détention : «Il y a des risques de pression sur la victime et ses proches. Pas des pressions destinées à les faire témoigner autrement puisque l’instruction est close, mais des risques physiques. Les tensions restent vives. Mohssin Karmoud a des antécédents de violence et une personnalité inquiétante. Il y aussi les risques de réitération des faits et de non-représentation à l’audience.» Il compte quatorze mentions au compteur, dont un pour séquestration.
L’avocat de Mohssin Karmoud, qui était interdit de séjour à Soissons au moment des faits, demande la remise en liberté de son client d’ici au procès : «Ça fait dix-sept mois de détention provisoire, alors que ce régime doit être l’exception. On craint qu’ils fassent pression. Pourtant, l’un des deux autres frères a croisé M. Aissaoui et il ne s’est rien passé. La dernière condamnation de mon client date d’il y a dix ans. Ce n’est pas sérieux… Il a le droit d’être libre pour préparer sa défense.»
«Si les frères Karmoud ont pris la fuite, c’est parce qu’ils ont eu peur»
Mohssin Karmoud avait été jugé en septembre 2011 pour des violences sur sa mère, survenues au domicile familial de Chevreux. A l’époque, avec huit mentions au casier, il avait nié mais avait écopé d’un an de prison avec mandat de dépôt. En février 2013, il avait écopé de 18 mois de prison ferme pour avoir mis de force, dans le coffre de sa voiture, quelqu’un qui n’avait pas payé le téléphone qu’il venait de lui vendre. La dernière fois qu’il a comparu, c’est en décembre 2018. Le tribunal l’avait relaxé, faute d’éléments matériels, après une embrouille sur l’avenue Saint-Martin, face à un automobiliste qui avait râlé parce qu’il avait arrêté sa voiture rue Saint-Martin et qu’il discutait sur la route.
«Si les frères Karmoud ont pris la fuite, c’est parce qu’ils ont eu peur, après que leur nom ait été balancé dans la presse, plaide son avocat. Mais aujourd’hui, c’était un test grandeur nature, et on a vu qu’il n’y a pas de risque de non-représentation au procès d’ici un mois.»
En début de semaine, Salim Karmoud a été relaxé pour menaces envers un policier de la brigade anti-criminalité, suite à l’arrestation d’un de ses frères, dans le cadre d’une autre affaire. Il lui était reproché d’avoir, le 31 août 2018 allée Pierre-Mendès-France, dit au policier les mots suivants : «Tu as fait une grosse erreur… Tu es mort !» Le tribunal l’a relaxé, compte tenu «d’incohérences» dans les déclarations des policiers et compte tenu du fait qu’il est difficile de prouver sa présence sur les lieux.
Mohssin Karmoud est maintenu en détention, tandis que ses frères Nassir, 5 mentions au casier, et Salim, 13 mentions, sont maintenus sous contrôle judiciaire. Maître Cyrille Bouchaillou obtient pour Salim un allègement de l’obligation de pointage au commissariat, afin de ne pas le freiner dans sa recherche d’emploi.
En attendant la tenue du procès, Mosshin, Nassir et Salim Karmoud sont présumés innocents.
Guillaume Grasset