
Philippe Répérant chez lui, à Château-Thierry
Lundi 2 novembre dernier, Philippe Répérant avait été poignardé alors qu’il tentait de porter secours à une jeune fille agressée par son ex-petit ami. Opéré au poumon, il est sorti de l’hôpital jeudi 26 novembre, après trois semaines d’hospitalisation. En attendant de recevoir sa médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement, il se repose chez lui à Château-Thierry.
Une petite maison, à quelques centaines de l’hôpital de Château-Thierry, entourée d’un jardin engourdi par l’hiver. La façade un peu défraîchie rehaussée par des moulures en briques rouges. Une maison au charme ancien, avec un parquet qui craque et de jolis carreaux de ciment à l’entrée. Une maison encombrée par la vie, qui ne transpire ni la misère ni l’opulence. La maison de n’importe qui, ou presque. C’est là que se repose Philippe Répérant après trois longues semaines passées sur un lit d’hôpital. Lundi 2 novembre dernier, ce jeune homme de 22 ans a été grièvement blessé devant le lycée Jean-de-La-Fontaine, en voulant porter secours à une jeune fille qui se faisait agresser par son ex-petit ami. Il a reçu deux coups de couteau, dont un lui a perforé un poumon. Pris en charge par les sapeurs-pompiers et opéré en urgence, il n’est sorti de l’hôpital que jeudi 26 novembre. Il se remet doucement de ses blessures, entouré de ses parents et de sa petite amie Mathilda. «Je pense avoir fait ce qu’il fallait faire. Malgré la blessure, je ne regrette pas du tout.», explique Philippe d’une voix douce, apaisée. Les mots suivants seront pour l’autre victime de cette terrible soirée : «Il fallait sauver la fille. Je suis content qu’elle aille bien aujourd’hui, c’est important. Elle n’a pas pu venir me voir à l’hôpital parce que c’était interdit, mais elle a pris contact avec nous par les réseaux sociaux».
«Je ne pouvais pas ne rien faire»
Philippe ne dira pas qu’il est un héros. Les gens dignes disent rarement qu’ils sont des héros. «Quand je suis arrivé, il tirait déjà les cheveux de la fille et la traînait dans la rue. Je ne pouvais pas ne rien faire. C’est comme si c’était ma sœur ou ma petite amie qu’on agressait. Comment j’aurais pu laisser faire ? Pour moi, c’était un acte normal d’intervenir», raconte Philippe, sans jamais hausser le ton.
Pourtant, ce 2 novembre dernier, Philippe Répérant a peut-être sauvé une vie. Il y a laissé un petit bout de la sienne : il faudra au moins 6 mois pour qu’il se remette convenablement de ses blessures. En attendant, ses activités sont réduites au minimum. Quelques parties de Mario Kart avec sa petite amie tout de même, mais aussi la douleur et la prise quotidienne d’antalgiques, les visites de l’infirmière, les séances de kinésithérapie et de rééducation pulmonaire. Il doit faire provisoirement une croix sur sa passion, le football américain, et son équipe des Guardians de Château-Thierry. Sa scolarité, il est étudiant en BTS de comptabilité et gestion, est également sur pause. «C’est quand même injuste d’être bloqué comme ça, de ne rien pouvoir faire, d’avoir 20 ans, le plus bel âge de la vie, et de ne pas pouvoir en profiter», regrette, émue sa mère Karine. Elle poursuit : «Évidemment, on ne peut qu’être fier ce qu’il a fait, même si on ne peut pas complètement s’empêcher non plus de se dire que si il avait été plus égoïste, il n’aurait pas eu cette blessure. Mais je me dis aussi qu’heureusement que quand des personnes se font agresser, il y en a qui réagisse, qui ne laissent pas faire quitte à prendre des risques. Et même si c’est tombé sur mon fils, c’est un bel exemple de solidarité. Et puis il n’a pas complètement été abandonné par sa bonne étoile. À quelques centimètres près, la blessure aurait pu être beaucoup plus grave.»
Médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement
Un bel exemple qui sera récompensé. Dans quelques semaines à Matignon, résidence du Premier ministre, à paris, Philippe Répérant recevra la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. Il recevra aussi la médaille de la ville de Château-Thierry.
Et à l’image de sa mère, Philippe aussi essaye de se montrer optimiste : «Vu la période compliquée que l’on traverse avec le covid, ce n’est pas forcément une si belle année que ça qui est gâchée. Finalement j’ai été confiné 3 semaines dans une chambre d’hôpital au lieu d’être confiné à la maison», sourit le jeune homme.
Désormais, avec le soutien de ses proches, Philippe va essayer de prendre un peu du poil de la bête : «Il a perdu 15 kilos depuis son hospitalisation, ce serait bien qu’il les récupère», espère Karine. «Ouais, mais bon, j’aimerais reprendre du muscle plutôt que 15 kilos de gras. Mais sans faire de sport, ça va être compliqué», tempère Philippe en riant. «Un peu de gras, un peu de bidou, ce n’est pas grave, au contraire», s’amuse Mathilda, sa petite amie.
«On n’est pas sûr de sa véritable identité»

L’agression a eu lieu près du Lycée Jean-de-La-Fontaine, au niveau du parking des bus, en face du gymnase Cassin.
De la bonne humeur, il faudra en garder, car une autre épreuve attend Philippe : les suites judiciaires de cette agression, qui s’annoncent longues et compliquées : «L’agresseur est un sans papier. Pour le moment, on n’est pas sûr de sa véritable identité. A priori, c’est un mineur puisqu’il serait âgé de 16 ans, mais on n’est pas sûr de son âge non plus. Donc ça risque de prendre du temps», soupire Philippe, qui ne perd pas son calme quand il évoque son agresseur. Il espère juste qu’à l’issue du procès, ce dernier n’échappera pas à la prison : «car quelqu’un d’aussi dangereux, on ne peut pas le laisser traîner dans la rue.»
Et alors que l’on s’est déjà quitté après s’être dit au revoir, Karine, la mère de Philippe, nous interpelle une dernière fois : «vous savez, au lycée Jean-de-La-Fontaine, ils avaient mis en place une cellule psychologique après l’agression, parce que des élèves étaient sous le choc et certains culpabilisaient de ne pas être intervenus. Je veux dire à ces élèves qu’il ne faut pas qu’ils s’en veuillent pour ça. C’est normal d’avoir peur, d’être tétanisé, de ne pas savoir quoi faire. Quand on est un enfant ou un adolescent, on ne doit pas culpabiliser pour ça.» Il y a des gens qui, même quand le malheur les touche, ont toujours une pensée pour les autres.
Vincent DI GRANDE