Marc Morgane écope de 17 ans de prison pour avoir, en mai 2017, tué chez elle Fanny Savatofski (photo), qui l’hébergeait depuis deux mois, à Villequier-Aumont. Il a avoué l’avoir étouffée avec un oreiller, après qu’elle lui a demandé de quitter la maison parce qu’elle avait su qu’il lui avait volé de l’argent. Il est passé à l’acte pour, semble-t-il, ne pas se retrouver à la rue avec sa fille de 6 ans.
«Elle a été victime de sa gentillesse et de sa bonté, résume maître Philippe Vignon pour les parties civiles. Ses traits de personnalité vont la conduire sur le chemin de la mort.» L’ancienne responsable du centre aéré de Villequier-Aumont Fanny Savatofski, 41 ans, était d’ailleurs surnommée Mère Teresa.
Dimanche 7 mai 2017, elle a été retrouvée morte chez elle par Marc Morgane. C’est la première version de ce meurtre qui, au début, n’en était pas un. Il a appelé les secours, vers 16h30, disant qu’il revenait de la pêche.
«Elle avait l’habitude d’ouvrir sa porte à tous les chiens malheureux.»
Avant de connaître Fanny Savatosfki, celui-ci était sans domicile fixe et elle lui avait ouvert les portes de sa maison. Elle l’hébergeait gratuitement, lui et sa fille de 6 ans, pour laquelle elle était devenue une maman de substitution, l’aidant à faire ses devoirs, lui apprenant la à faire la cuisine. Marc Morgane avait fait sa connaissance au café du village en mars 2017. À l’époque, il était sur le point de perdre son appartement. Connaissant la réputation de Fanny Savatofski, généreuse comme le rappelle sa sœur : «Elle avait l’habitude d’ouvrir sa porte à tous les chiens malheureux.». Alors Marc Morgane était allé la voir directement. Et elle n’avait pas résisté à l’envie d’aider cet homme au passé délinquant, malgré ses 17 condamnations au casier judiciaire.
Ils avaient tous deux un penchant pour l’alcool et les soirées festives. Ayant constaté qu’il lui avait volé 100€, elle l’avait sommé, le samedi 6 mai, par principe, de quitter l’appartement en début de semaine. «Je ne garde pas un mec qui me vole», a-t-elle écrit à un ami dans un message téléphonique.
Elle est retrouvée morte le lendemain de l’ultimatum. La première autopsie révèle que cette mort remonte au 7 mai, entre 7h et 14h, et qu’elle a été «causée par un œdème pulmonaire important, d’origine cardiaque probable». Une autre autopsie révèle «une asphyxie qui ne peut être expliquée, ni par une cause toxique ni par une cause médicale». Elle a perdu connaissance au bout de trente secondes de cet étouffement, qui a duré deux à trois minutes. Cette mort brutale et prématurée, inexpliquée a conduit les enquêteurs à la mise sur écoute téléphonique des connaissances de la victime, parmi lesquelles Marc Morgane, qui n’a pas quitté la maison après la mort de Fanny Savatofski.
Émus par la situation précaire et par la tristesse qu’il semblait ressentir aux obsèques de Fanny Savatofski, ses proches avaient permis à Marc Morgane, qui s’est présenté comme «son mari» à son enterrement, de rester sur les lieux. Une maison qu’il a méthodiquement et complètement démontée, décidé à ne rien laisser derrière lui. Outre les meubles, il a même démonté la chaudière, la cuve à fioul, les radiateurs et les gouttières, qu’il a vendus à un ferrailleur. «Il a tué la maison», commente une sœur de Fanny. Ce qui lui avait valu 10 mois de prison et ce qui avait resserré l’étau des enquêteurs sur Marc Morgane. Il est même suspecté d’avoir tué les deux chiens de la victime, découverts morts dans le puits du jardin. Il les y aurait jetés vivants, selon le vétérinaire. Faute de preuves, il n’est pas poursuivi pour cela. Il nie d’ailleurs cet acte.
«J’ai pris l’oreiller, je l’ai mis sur sa tête et je lui ai donné des coups de poing pour ne pas laisser des traces.»
Il a donc été placé en garde à vue le 19 septembre 2018, à l’issue d’écoutes téléphoniques, ayant peu à peu relâché sa vigilance. Ses premiers aveux n’ont été que partiels. Il a dit qu’il avait eu un «flash» où il se voyait en train de l’étouffer avec un oreiller. Avant de revenir sur ses déclarations, indiquant que «c’était le fruit de mon imagination».
Il a fallu attendre le premier jour du procès d’assises, pour qu’il avoue tout : «Je suis étonné d’avoir fait ça sans m’en rendre compte. Je suis rentré dans sa chambre. Elle était allongée sur le lit. Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai pris l’oreiller, je l’ai mis sur sa tête et je lui ai donné des coups de poing pour ne pas laisser des traces. Je voulais lui faire du mal. C’est allé vite. Je l’ai tuée. Je ne suis pas quelqu’un de méchant.» Il explique ce geste par la colère : «C’était pour pas tout perdre. Elle disait que je l’avais volée. Elle m’avait mis deux gifles parce que j’avais cassé sa bouteille de whisky. Mais je ne voulais pas la tuer.» Un comportement vis-à-vis de lui-même qu’il a jugé «humiliant» et qui a valu à Fanny Savatofski de mourir. Ensuite, il dit être allé à la pêche toute la journée. Au cours de l’instruction, l’hypothèse a été émise que l’accusé aurait cru que Fanny Savatofski, qui n’a pas eu d’enfant, avait rédigé une donation de ses biens à sa fille.
Ils n’ont pas eu de relation sentimentale, mais il a été établi qu’ils ont dépassé le stade de la simple amitié, une à deux reprises. «J’aimais beaucoup Fanny» dit l’accusé. Je regrette ce que j’ai fait. J’ai tapé Fanny. Cela m’amène aujourd’hui ici.» Lui-même la considérait comme «une femme en or». Pour maître Norbert Ognami, avocat de la défense, l’accusé n’avait pas l’intention de tuer Fanny Savatofski.
La cour d’assises de l’Aisne l’a condamné à 17 ans de réclusion criminelle. L’avocat général avait requis une peine «non inférieure à 20 ans».
G. G.