«Quand on me demande si l’usine Rockwool est polluante, je ne réponds pas. J’oriente le demandeur vers les documents du dossier qui lui permettront de se forger un avis sur la question. En tant que commissaire enquêteur, je suis neutre. J’émettrai un avis dans le rapport que j’enverrai en préfecture.» Jean-Quentin Delval, 64 ans, est le commissaire enquêteur de l’enquête publique préalable à l’autorisation, qui sera accordée ou non à Rockwool, de construire et exploiter une usine de laine de roche sur la zone du Plateau. Cette usine serait située principalement sur le territoire de Courmelles mais également sur celui de Ploisy. D’où la tenue de permanences du commissaire enquêteur dans les mairies des communes concernées.
Il était jeudi 22 octobre en mairie de Ploisy, «afin de recueillir les avis et observations des habitants et de les orienter sur les pages du dossier», pour la deuxième des cinq permanences de l’enquête publique, qui se termine le 12 novembre. Jean-Quentin Delval rendra son rapport au préfet de l’Aisne à la mi-décembre, avec un avis consultatif, «et pas décisionnaire».
La plupart des questions des demandeurs concernent les données environnementales, comme la pollution et le trafic routier, indique le commissaire enquêteur, avec le volumineux dossier de Rockwool sous la main. «Je l’ai eu il y a un mois, indique-t-il. Je ne le connais pas par cœur, évidemment. Vous voyez le nombre de pages… En revanche, je sais où sont les documents qu’on me demande et comment les trouver. J’ai fait des fiches mémo pour m’y retrouver plus rapidement.» «J’ai signé une déclaration sur l’honneur attestant ma neutralité dans ce dossier», reprend le commissaire enquêteur, qui a été désigné par le tribunal administratif d’Amiens, parmi 35 “confrères” axonais, pour mener cette enquête publique. C’est l’entreprise Rockwool qui a mandaté la Direction départementale des territoires (DDT) de trouver un commissaire enquêteur.
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«Ce n’est pas un métier», dit Jean-Quentin Delval, retraité de l’armée de terre, après 41 ans d’une carrière qu’il a achevée en tant qu’officier délégué militaire. «J’ai eu envie de rester au contact du public et d’apporter ma contribution à l’ensemble de la population, explique celui qui occupe cette fonction depuis 2015. J’avais envoyé un CV et une lettre de motivation au préfet. J’ai ensuite passé une commission d’évaluation constituée de représentants de la préfecture, de la Dreal et d’autres associations environnementales… La première année, j’ai enchaîné les formations à Arras. Depuis, j’ai mené 12 enquêtes publiques.» Jean-Quentin Delval, dont le mandat est renouvelable tous les quatre ans, était notamment de l’élaboration des PLU (plan local d’urbanisme) de Maizy et de Berry-au-Bac, des écoquartiers de Chauny et Guignicourt, mais aussi de l’éolienne de Dorengt… «Ce dossier Rockwool est comparable aux implantations d’éoliennes», car elles suscitent la controverse. Pour éviter tout conflit d’intérêts, Jean-Quentin Delval ne peut mener une enquête publique sur le Laonnois, où il habite.
«Le plus gros du travail consiste en la rédaction de mon rapport», confie-t-il. En moyenne, un commissaire enquêteur en mène une et demie par an. A Ploisy, commune de 78 habitants, il y avait moins de monde qu’à la première permanence de Courmelles, commune de 1800 habitants. Toutefois, il y a toujours eu quelqu’un dans la salle durant la matinée. On a vu passer Élisabeth Anger ou Thomas Wozniak, membres de l’association Stop Rockwool. Ce dernier habite le village, dont la première habitation sera située, à 300m à vol d’oiseau. «Dans ce dossier, il y a plein de documents intéressants, constate-t-il. On peut apprendre que la société Rockwool elle-même n’a recensé qu’un seul point positif lié à la construction d’une usine, celui de l’emploi. Tout le reste est recensé comme des points négatifs… Mais même pour l’emploi, je considère qu’il y a des choses à dire.»
François Leroux, maire de Ploisy, passe une tête dans la salle. Son conseil municipal doit se prononcer prochainement sur l’implantation Rockwool. Toutes les communes situées dans le rayon de 3km de la future usine ont jusqu’au 9 novembre pour se prononcer. Outre Courmelles et Ploisy donc, il y a aussi Chaudun, Berzy-le-Sec, Saconin-et-Breuil, Vauxbuin, Soissons…
G. G.